L'Aly Duc/Duchesse
Nombre de messages : 877 Localisation : Quelque part dans l'histoire Date d'inscription : 21/02/2007
| Sujet: la montre coquine ... Jeu 12 Juil - 16:09 | |
| " Au Siècle des lumières, on savait concilier l'apprentissage de la ponctualité avec celui de la sexualité. Rien n'est plus paradoxal qu'une montre érotique. L'horlogerie mesure et célèbre les temps. L'érotisme s'y oppose pour assurer à la vie son mouvement perpétuel. Ce couple, qui savoure clandestinement les délices de l'union libre, s'est formé dès la fin du XVIIème siècle. A cette époque, la mécanique horlogère est parvenue à donner le branle à moult pièces à l'intérieur des boîtes à cadran; les cabinotiers égrillards ont tout de suite vu le parti qu'ils pouvaient tirer de ces nouvelles inventions.
Détails colorés et mobiles
Représenter le va-et-vient des sexes par l'utilisation des mouvements à répétition-minute leur a sauté aux yeux. Pour une fois, la prouesse technologique s'est soumise aux caprices du plaisir.
Au même moment, les émailleurs parvenaient aussi au sommet de leur art. Dès lors, la technique des uns associée à l'art des autres allait enfanter d'impures merveilles: les montres érotiques à émaux. Les positions les plus tarabiscotées, les fellations les plus inventives - un grand classique de l'érotisme horloger - les copulations les plus collectives étaient ainsi illustrées dans tous leurs détails colorés et mobiles.
Etrangement, c'est Londres-la-Prude et Genève-l'Austère qui se trouveront au cœur du commerce lancé par Eros Horloger. Dès le XVIIIème siècle, la Grande-Bretagne offrait aux coquins artisans genevois un marché fructueux. De la capitale anglaise, les plus belles pièces partaient pour l'Asie afin que maharadjahs et maharanés fus-sent en mesure de s'inspirer de ces Kama-Sutra mécaniques qui donnaient des idées, en plus de l'heure ! Les Français - fidèles à leur réputation de chauds Latins - se montraient également friands de ces petites machines au tic-tac gaulois.
Mais culs-pincés et culs-bénis - ce sont presque toujours les mêmes - ont mené un farouche combat contre ces automates liber-tins. En 1817, le gouvernement genevois fulmina une fatwa ayatollesque qui frappait d'interdit toute fabrication de ces objets licencieux. Pire: ces coincés de la braguette détruisirent en masse toutes les montres érotiques qui leur passaient sous le marteau. Quelques-unes ont tout de même échappé au massacre. Et on se les glissait sous le manteau avec autant de ravissement que d'effroi. Braver l'interdit donnait à ces bijoux très discrets un éclat tout particulier. Et un prix fort élevé !
Honorables cadeaux pour demoiselles d'honneur
Pourtant, durant le XVIIIème siècle, les montres érotiques étaient entrées dans les mœurs genevoises. Les parents prévoyants prenaient même soin de les placer dans la corbeille de mariage pour les offrir aux demoiselles d'honneur. Heureuse initiative, d'un temps où l'on savait concilier l'apprentissage de la ponctualité avec celui de la sexualité. Ces anciens-là avaient saisi toute l'importance de conduire l'acte charnel de façon spirituelle, dans tous les sens du terme, et sans hypocrisie.
Car Eros Horloger nous rappelle des vérités fondamentales. Il ne sert à rien de tuer le Temps. Il faut le séduire afin qu'il s'humanise, qu'il perde son caractère inexorable et désespérant, qu'il sache enfin que les succès de sa reine, la Mort, ne sont qu'ombres passagères et que la vie parvient toujours à ses fins par les détours les plus étranges.
En tirant de son gousset un oignon aux figures érotiques, l'honnête homme des Lumières prenait certes conscience du temps qui fuit vers la tombe mais, simultanément, il se ménageait des provisions de fantasmes qui alimentaient son désir de vivre et de faire l'amour."
Cette montre en or et émail, baptisée "Le missionnaire", a été créée par Piguet Meylan à Genève au début du XIXème siècle. Elle a échappé à la destruction massive de montres coquines qui a suivi l'interdiction de fabrication décrétée en 1817. (Collection privée)
L'Aly | |
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