Je fais partie d'un groupe de reconstitution historique, la 4ème demi brigade d'infanterie de ligne, période 1794.
J'ai le privilège (si, si, Versailles,
) d'etre signataire de La Charte d'Histoire Vivante.
Je vous conte mon histoire:
La voici :
La vie de « La Tribune »1 ère époqueJe suis né à Charleroi (Libre sur Sambre) le 2 novembre 1765, je grandis dans une famille modeste mais heureuse et sur une terre de justice.
Fils d’un artisan horloger-serrurier et d’une mère négociante en articles de mercerie, je vécus une enfance paisible dans la ville de Thuin en Pays de Liège, futur département de Jemappes.
La vie était heureuse et dès mon plus jeune âge je fus attiré par les livres, l’écriture et l’aventure, tout était prétexte à expédition dans nos bois.
Mon enseignement fut assuré par les frères dans les collèges réputés de la ville de Thuin.
Bien que fort dissipé, je m’acquittai de mon ouvrage d’étudiant honorablement.
J’eus la chance d’être en relation, dès l’age de 14 ans, avec les frères des abbayes de Lobbes et Aulne, ce qui me permit découvrir, en partie, les richesses matérielles et intellectuelles que ces abbayes recelaient.
Bien que la prise en charge séculaire des secteurs de la vie publique tel que l’enseignement, l’assistance publique, les registres paroissiaux correspondants à l’Etat civil aient été pris en charge par les monastères et aussi le clergé , la paix régnait sur notre pays de Liège.
Mais il est un fait que cette prise en charge de certains secteurs de la vie publique par l’Eglise apparaissait déjà outrancière à certains.
Chez nous les états généraux étaient annuels alors que leur convocation, en France, à la mi-1788 avec les premières initiatives royales à l'ouverture, le 5 mai 1789 par Louis xVI étaient les premiers en France depuis 175 ans..
2ème époqueA l’age de 17 ans, ayant des pré-dispositions pour l’aventure et les études, je réussis à convaincre mes parents de me laisser rejoindre un oncle, François Masson, érudit et libertaire habitant Paris.
Ce fut pour moi le premier grand voyage.
Mon installation dans la capitale française fut tumultueuse, mon oncle n’étant pas souvent présent.
Il avait le don de faire passer ses idées « romanesques » et déjà « révolutionnaires » lors de réunions organisées avec ses amis écrivains et journalistes, Desmoulins, Condorcet, Tallien, Babeuf, Mercier et Carat, ainsi que des avocats et autres personnages issus de la société aisée parisienne mais au final, cela arrangeait bien mon tempérament aventureux, La Liberté était mon quotidien.
Pendant la poursuite de mes études, j’occupai le poste de commis auprès d’un notaire ami de mon oncle, ce qui me permis d’acquérir une certaine indépendance financière.
Cette indépendance me permit de lier de nombreuses relations au sein de la jeunesse étudiante déjà guidée par les idées qui feront la révolution.
De 1782 à 1789, nous nous réunissions souvent pour refaire le monde.
Pris dans l’élan révolutionnaire et les événements de 1789, nous étions de toutes les réunions et rassemblements populaires.
Début 1792 je me retrouvai, grâce à mon oncle, adjoint du rédacteur de « La Tribune des Patriotes », Camille Desmoulin, journaliste patriote et émule de Robespierre.
Notre collaboration ne dura que le temps des quatre publications du journal .
3ème époque Ayant toujours été attiré par l’état militaire, je rejoignis le 10° bataillon des volontaires de Paris aussi appelé « Bataillon des amis de la Patrie » qui en attendant mon départ m’affectèrent à la Conciergerie où j’occupais un poste de garde à l’arrière-greffe du Tribunal Révolutionnaire, salle d’attente vers l’échafaud, où je vis défiler ceux que la république voulait voir disparaître au nom de la Liberté, de l’Egalité, la Fraternité.
C’est à cette époque que le surnom de « La Tribune » me fut donné.
Ce n’était déjà plus qu’une parodie de justice, il fallait désengorger les prisons parisiennes et pour cela le Tribunal Révolutionnaire passa de sept jugements par jours à 70, la place manquait dans les prisons parisiennes et les suspects transférés déferlaient sur la capitale.
J’appris par la suite que Camille Desmoulins y fut exécuté..
Le 10 ème Bataillon fut appelé à se rassembler pour le grand départ, la France ayant déclaré la guerre à l’empereur d’Autriche le 20 avril 1792.
Nous étions heureux, nous allions enfin nous battre pour notre idéal.
Le sort me fit retraverser mon pays d’origine où je pus rapidement revoir ma mère grâce à l’amitié qui me liait à un sergent compréhensif,, mon père étant décédé en 1792, je ne retrouvai qu’elle, les autres membres de la famille s’étant éparpillés pensant fuir la redoutable invasion française .
L’avancée de notre élan les dépassât pour la plupart tant nous n’avions de cesse de courir vers les ennemis de la République.
Elle ne se remit jamais de nous avoir perdu tous deux, mon père enlevé par la maladie et moi par mes idées folles.
Nous nous attardâmes sur les régions qu’ avaient vu mes jeux d’enfants, la république nous demanda de faire inventaire des biens des Abbayes de Bonne Espérance, Lobbes et Aulne.
Je fus nommé Caporal Fourrier, mes aptitudes à l’écriture me servirent.
Quelle ironie du sort, devoir dresser l’inventaire des richesses qui furent pour moi l’émerveillement de mon enfance .
Le pire fut pour moi, d’assister en mai 1794, comme témoin impuissant à l’ incendie et au pillage des deux abbayes qui furent les phares de notre culture..
Lobbes et Aulne n’existaient plus.
Il ne restait rien de ce qu’était de mon passé.
J’usai de toutes les relations utiles pour échapper à ces visions de destruction.
4ème époqueJe rejoignis, fin 1794, le 3° bataillon des volontaires de la république qui deviendra la 4° demi-brigade de bataille , leur caporal fourrier ayant été emporté à Wattignies en 1793 et dans le désordre régnant à l’époque personne n’avait pris la peine de le faire remplacer..
Aujourd’hui, je suis toujours le Caporal Fourrier de la 4° demi brigade, j’essaye de fuir le passé, la mort de mes souvenirs heureux et malheureux,, nous sommes en campagnes et cela me convient bien.
Je ne suis plus qu’un soldat, mes idées invincibles sont vaincues par la misère de ce qu’est notre quotidien de froid de faim, de douleur.
L’aventure, telle était mon désir, je devrais donc être heureux de mon sort, et pourtant ….
Nous venons de prendre le départ pour Fleurus, de nouveau près de chez moi, toujours cette ironie du sort qui me poursuit.
La survie de la révolution dépend de ce que nous trouverons à Fleurus, nous ne pouvons pas perdre cette bataille, sinon tout ceci aura été vain.
Qu’est-il arrivé ?
Que nous est-il arrivé ?
Que m’est-il arrivé ?